La médiation culturelle vue par Fiona Marchou

Fiona Marchou, Médiatrice culturelle, Tours

Nom : Marchou
Prénom : Fiona
Réseaux sociaux : @Le_the_culturel
Lieu de vie : Blois, Loir-et-Cher (pour combien de temps encore ? Mystère !)

A propos de ton métier …

Quelle est ton activité pro ? Peux-tu nous expliquer à quoi cela consiste ? 

Je suis médiatrice culturelle. C’est-à-dire que je fais la jonction entre l’œuvre et le visiteur. Je fais en sorte de donner à ce dernier les clés de compréhension pour admirer et comprendre un lieu, une œuvre d’art, un objet voire même un concept ! Pour cela j’utilise plusieurs techniques. La plus connue, c’est la visite guidée, que j’aime participative et sensorielle, pour éviter de tomber dans le cliché de la récitation… Pourtant il y a pleins d’autres moyens d’éclairer le sujet d’une visite. par exemple, en concevant des ateliers, des livrets (notamment de jeux !), des outils de sensorialité, ou encore des formats plus particuliers comme un escape game ou des supports numériques. 

Quel est ton parcours pour en arriver là ?

Mon parcours est particulier… Disons que je suis arrivée à la médiation un peu par hasard. Mon rêve au lycée, c’était de devenir architecte d’intérieur. J’ai toujours voulu faire un métier où les pratiques artistiques en auraient été le cœur. Cependant, l’architecture demande une certaine appétence pour les mathématiques, appétence que je n’avais pas. J’ai donc choisi de me tourner vers ma seconde passion après l’art, l’Histoire, mais j’avais peur de m’ennuyer (#hyperactive). Je me suis, alors, inscrite en licence bi-disciplinaire Histoire-Histoire de l’art à Toulouse, avec option droit de la culture. Un beau bagage, rempli de connaissances, mais aucune idée de mon futur professionnel ! En seconde année, nous avions la possibilité, non obligatoire, de faire des stages. J’ai fais deux stages très différents, l’un en médiathèque (#passion lecture), qui m’a refroidi et un second dans au musée Labenche à Brive-la-Gaillarde. A Labenche, j’ai rencontré une femme exceptionnelle qui m’a transmis sa passion pour : la médiation culturelle. Mon futur professionnel s’éclairait, j’avais trouvé un travail qui mêlait transmission, arts plastiques et recherches!  

A partir de cette découverte, j’ai terminé ma licence Histoire et Histoire de l’art à Nanterre, puis j’ai enchainé sur une L3 de médiation culturelle parcours musée, patrimoine et exposition et sur le master qui faisait suite, Muséologie et Nouveaux Médias à l’université Sorbonne Nouvelle. Mes études ont été entrecoupées de jobs estivaux : à la Maison de la Boucherie (Limoges) en tant qu’agent d’accueil et guide,  à la BnF pour faire l’inventaire des ouvrages de l’Opéra Garnier, au Louvre comme gamemaster au jardin des Tuileries et au château de Terre-Neuve (Fontenay-le-Comte) comme guide. Ainsi j’ai expérimenté plusieurs emplois culturels sur le terrain, parfois loin de la médiation, mais cela m’a permis de comprendre les enjeux derrière ! 

Puis il y a eu l’après master. Déjà, il faut savoir que c’est un master semi-professionnel, c’est-à-dire que j’avais un mémoire de recherches, un stage et un projet tutoré, rien que sur la dernière année, à mener ! Une charge de travail intense, mais qui m’a offert deux choses, un sujet de mémoire qui me tient à cœur (encore aujourd’hui !) et une certaine résilience. Mon mémoire porte sur l’accessibilité des musées aux personnes en situation de handicap mental (trisomie, polyhandicap, autisme, etc.), c’est un sujet vaste, avec peu de matière, mais qui est ma carte de visite. Grâce à lui, que cela soit dans mes stages ou dans mes emplois à la fin de mes études, j’ai pu travailler sur l’accessibilité des lieux qui m’employaient. Ainsi, au Collège des Bernardins, j’ai conçu la première visite-atelier destinée à un EME (Externat Médico Educatif) sur l’œuvre numérique de Claire Malrieux. Au Domaine de Chaumont-sur-Loire, ce fut la conception d’un livret de visite du Festival des Jardins pour les PMR (Personnes à Mobilité Réduite) ou la proposition d’un livret FALC (Facile A Lire et à Comprendre), utilisé par les personnes ayant une déficience intellectuelle. 

Pour conclure, j’en suis arrivée à ce métier, car j’ai découvert que j’adorais l’idée de transmettre d’une manière ludique et sortant des sentiers battus, en faisant de la chimie avec les enfants, par exemple, pour leur faire découvrir les teintures végétales utilisées depuis l’époque médiévale.

Musée Labenche à Brive-la-Gaillarde

Pourquoi ce métier ?

Ce n’est pas un métier, enfin pas totalement. La médiation culturelle c’est la possibilité de s’intéresser à des sujets variés, de garder cet aspect recherche que j’aimais tant dans mes études et surtout une grande page blanche pour créer, concevoir, inventer ! Toutes ces idées qui sortent de ta tête ont un objectif commun, rendre la culture accessible ! Et c’est ça qui me motive, c’est l’accessibilité, l’inclusion. Comme si j’envoyais une grande invitation à toutes les populations pour qu’elles viennent explorer les musées, le patrimoine, la lecture, la musique. Faire ainsi de ce métier un vecteur de partage, d’échange, c’est ce qui me mobilise. Quand je fais une visite, celle-ci se construit avec les visiteurs, en les écoutant, afin de faire passer mon message tout en tenant compte de leurs envies.  

Quel serait le projet de rêve sur lequel tu aimerais travailler ?

Aaaah le projet de mes rêves… Il y en a plusieurs. Déjà continuer l’aventure de Le_the_culturel où je fais de la médiation et qui me permet d’aborder des sujets connexes à la culture. A travers ce compte instagram, l’idée serait aussi de développer certaines problématiques, comme le handicap, les publics dits éloignés de la culture et de mettre en lumière les acteur.ice.s de la culture, du patrimoine et de l’artisanat. Pourquoi pas à terme élaborer une activité de médiation freelance et de conseil. Cela rejoint un second rêve, loin d’être freelance celui-là, de devenir chargée des publics, pour justement à l’échelle d’une institution, être actrice de cette ouverture vers un public élargi. 

Enfin, cela reste proche, mais beaucoup plus complexe, j’aimerais à terme, ouvrir un lieu atypique, à la fois librairie, salon de thé, mais qui soit aussi un endroit où les gens pourraient s’exprimer artistiquement avec des expositions, des ateliers, des spectacles. Et vous allez me dire, le handicap là-dedans ? Eh bien, l’idéal de ce projet, c’est qu’il y ait des employés en situation de handicap, et un volet ferme pédagogique, car je pense que les animaux peuvent comme l’art panser les plaies. 

Quel métier tu voulais faire enfant ? Que dirais-tu à ton “toi” enfant ? 

Je vous en ai déjà révélé un, mais bien avant de vouloir être architecte d’intérieur, j’ai eu deux autres métiers de rêves. Vous allez voir ça reste en lien avec la nature et l’Histoire. Mon premier métier envisagé, c’était vétérinaire (comme beaucoup d’enfants je pense), cependant, je ne visais qu’un endroit pour exercer, le zoo de la Palmyre ! Un lieu que je visitais chaque année avec mes grands-parents ! Ma seconde idée est elle aussi banale, c’était archéologue. Pourquoi ? Car tout simplement, je suis arrivée à l’Histoire par les mythologies égyptiennes, grecques et latines, que je ne demandais que des livres sur ces civilisations-là et sur les gaulois*, et que j’étais persuadée que je découvrirais des tessons de poterie dans mon jardin…

Ce que je me dirais à mon “moi” enfant ? Reste passionnée par l’art, la nature et l’Histoire, reste curieuse. La vie est compliquée, mais tu es une personne résiliente et tu en auras souvent besoin de cette qualité. Certes, tu n’as pas choisi le domaine le plus simple, mais ne laisse personne te dire que tu as fait un mauvais choix, et surtout fais en sorte que ce métier reste une passion et qu’il ne te fasse pas de mal !

Un mot pour ceux qui aimeraient se lancer sur cette voie ?

Il y a beaucoup de choses à dire, des choses difficiles qui feraient renoncer, mais pourtant si vous choisissez cette voie, faites-le avec le cœur. Mais surtout en connaissance de cause. Nous sommes très nombreux.ses à être diplômé.e.s pour peu de postes. Il faut savoir que c’est un métier où il faut savoir se vendre, que vous soyez entrepreneur.se ou à la recherche d’un CDD ou CDI. Pour ceux qui visent un poste de chargé.e (de médiation, d’exposition, des publics ou que sais-je) apprenez à connaître le terrain, avant de vouloir un poste à responsabilités, car un.e responsable qui connaît l’envers du décor sera mieux manager et mobiliser ses équipes. Pour terminer, il faut deux qualités pour réussir, de la résilience et de la patience, car vous verrez que les contrats sont souvent précaires, mais surtout prenez du plaisir dans ce que vous faîtes ! 

Quels regards sur le patrimoine ?

 

Un mot pour ceux qui aimeraient se lancer sur cette voie ?

C’est l’une de mes passions. J’ai grandi à la campagne, entourée par des monuments historiques, des savoir-faire (coucou la porcelaine de Limoges, le bleu de four, les émaux, etc.)*, un patrimoine culinaire et immatériel local (le pâté de pommes de terre, la noix, les ostensions, etc), sans savoir que tout le monde n’avait pas accès à cela. Quand je l’ai compris, je voulais le partager au plus grand nombre. Le patrimoine est subjectif en quelque sorte, nous n’avons pas tous le même patrimoine, pourtant il est important de conserver chacune de ses formes, de ses identités et de le transmettre sans jugement. C’est cela pour moi le patrimoine, un ensemble de biens communs et personnels qui fait de ce mot une notion intime et propre à chacun. 

châsse émaillée, conservée à Germigny des Près
Château d'Autoire

Comment t’es venu(e) ton attrait pour le patrimoine ?

Au-delà du patrimoine qui m’entourait enfant, et dont je n’avais pas conscience, mon attrait pour le patrimoine est arrivé grâce à ma famille. La plupart des membres de mon entourage m’ont amené dans des endroits exceptionnels. Mes grands-parents maternels se sont fait un devoir de me faire découvrir la Tour Eiffel, le Louvre et Versailles, ou encore Carnac* et le Palais des Papes. Mes grands-parents paternels, eux, m’ont traîné au tour de France, dans les étapes de montagne, et j’ai découvert un patrimoine naturel sensationnel, mais aussi des villages magnifiques. Puis, mes parents, bien entendu, ont joué un rôle important en nous amenant, mon frère et moi, dans des musées proches de chez nous ou de nos lieux de vacances. Et, surtout, ils ont tout fait pour que je puisse participer aux voyages scolaires, notamment en Italie découvrir des sites antiques et de magnifiques villas italiennes. Je pense que le bonheur devait se lire sur mon visage, car ils ont tout de suite compris que je vivrais dans l’Histoire et l’Art.

Alignements de Carnac

Un lieu qui t’a particulièrement marqué ? Explique-nous

Beaucoup de lieux m’ont marqué, mais peu m’ont fait pleurer. Je viens de Limoges, et notre sortie scolaire récurrente à partir du CM2, c’est de visiter le village martyr d’Oradour-sur-Glane. Un lieu de mémoire où je me suis rendue quatre fois, quatre fois où j’ai pleuré. Cela marque un enfant de voir ce village comme suspendu dans le temps… 

En terminale, nos professeurs d’Histoire ont organisé un voyage à Paris pour évoquer la Seconde Guerre mondiale. Durant ce séjour, nous nous sommes rendu.e.s au Mémorial de la Shoah, là aussi les larmes ont coulé d’elles-mêmes. 

 

Un souvenir, une anecdote à raconter ?

Ma grand-mère est persuadée que mon envie d’être médiatrice provient d’une visite guidée de Versailles, où je n’arrêtais pas de poser des questions à la guide. La guide aurait répondu à ma mamie de me laisser parler, car c’est comme cela qu’un enfant s’intéresse. Bien sûr, je ne me souviens pas du tout de cette conversation, mais c’est un conseil que j’applique dans mes propres médiations, de toujours laisser parler les enfants (et les adultes !). 

Ta liste de visites pour 2024 ?

Rhaaa il y a beaucoup d’envies dans cette liste ! Déjà, en février je découvre Angers, son château et ses musées. Si tout se passe comme prévu, l’Ecosse sera au rendez-vous cette année. 

Sinon les envies : le château de Montreuil-Bellay, le château de Brissac, revenir en Bretagne, redécouvrir les villages de mon enfance comme Carennac, Autoire*,  Loubressac et Curemonte (dans le Lot et la Corrèze), continuer l’exploration du Centre-Val-de-Loire, en allant à Bourges par exemple. Bref on verra où le vent me portera 😀

As-tu d’autres passions ?

La lecture (je crois que ça se voit un peu sur Instagram), je passe beaucoup de temps à lire (accompagné d’une tasse de thé ou de café!) et mon second passe-temps c’est la photo ! 

J’adore faire la cuisine (d’où le salon de thé !) tant du salé que du sucré. J’aime tester de nouvelles techniques de créations, qui ne prennent pas tout le temps (le crochet c’est oublié…). 

J’ai un petit penchant pour la mode, particulièrement le vintage, car chiner des vêtements et de la déco, c’est trop bien !